En navigation, entre le Vanuatu et la Nouvelle Calédonie, devant mon iPad, le programme Navionics ouvert, j’étais fascinée par les lignes de fonds entourant les îles, créant de véritables œuvres d’art abstraites. Ces îles me sont apparues comme des corps flottants. A mon sens le corps humain est comme un paysage et les cartes marines comme des œuvres d’art.
Je pratique depuis de nombreuses années le croquis rapide d’après modèles vivants (liens Instagram atelier de patricia) et la navigation en haute mer (tour du monde à la voile entre 2007 et 2009).
Dans ma série, Possibilités d’une île, je considère les contours du corps humain comme les contours d’une île. Le corps croqué vue du dessus devient un espace géographique: une île, un banc de sable, un récif, un trou d’eau…. Les lignes de fond qui l’entourent représentent la mer et ses profondeurs, les autres espaces (géo)graphiques symbolisent divers territoires côtiers.
La capture d’écran du programme de navigation Navionics montrent à quel point ce réseau de lignes de fond (chaque ligne correspond à une même profondeur) est très artistique…
Pour ce premier tableau de la série je me suis servi d’un croquis de 10 mn, d’après model vivant, directement réalisé à l’aquarelle. Avec cette technique il est facile d’obtenir de belles déformations du corps humain. Vue du dessus on peut penser à une île entourée de ses lignes de fond stylisées.
Mes oeuvres se regarde par le dessus, comme on regarde une carte géographique. Mais j’aime un peu brouiller les pistes et changer de point de vue à l’intérieur d’une même carte, un peu comme le faisaient les cartographes de la renaissance qui n’hésitaient pas à mêler le réel au fantastique, l’art à la science.
l’idée de ce corps humain fondu dans un espace géographique est issue d’une méditation. Un rêve éveillé qui me fait penser à la démarche des artistes Aborigènes qui mettent en peinture leurs rêves mythiques, issus des croyances ancestrales. « La plupart des tribus aborigènes croient que toutes les formes de vies, plantes, animaux et humains, font partie d’un vaste et complexe ensemble d’interactions dont l’origine remonte aux grands esprits des ancêtres de l’époque du temps du rêve, ce qui, pour certains, est une conception très réaliste et même avant-gardiste du monde et de la vie : un système dynamique complexe ». (https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_du_rêve)
Déjà en 2004 j’illustrais cette phrase de Denis Diderot en créant une oeuvre où je mariais l’homme à la nature.
« Tous les êtres circulent les uns dans les autres. Tout est en un flux perpétuel. Tout animal est plus ou moins homme, tout minéral est plus ou moins plante, toute plante est plus ou moins animal. Il n’y a qu’un seul individu, c’est le Tout. Naître, vivre et passer, c’est changer de forme. » (Denis Diderot, Oeuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/148 Voir sur https://citations.ouest-france.fr/citation-denis-diderot/etres-circulent-uns-autres-flux-126555.html)
Mes recherches plastiques actuelles se situent dans la création d’espaces (géo)graphiques formant des cartes imaginaires, mêlant plusieurs sources d’inspiration comme la carte marine, l’art Océanien, la carte mentale…
Comme dans tout acte de création le Moi intérieur de l’artiste fait surface, et guide sa main. Une main triste sera fébrile et le graphisme qui en sort sera tremblant. On pourrait parler d’humeur graphique et même d’humeur géographique quand il s’agit de représenter des territoires à l’aide de graphisme.